Post soumis par Audrey Lohard :
Intervention de Dominique Cardon « Identité en réseau et affirmation de soi en ligne »
Retour sur le design de la visibilité : (cf. http://www.internetactu.net/2008/02/01/le-design-de-la-visibilite-un-essai-de-typologie-du-web-20/)
En guise d’introduction, Dominique Cardon rappelle que pour étudier la notion d’identité numérique, il est nécessaire de se défaire de la métaphore de l’identification. Si avec l’identité numérique reviennent toujours les théories de l’identification, ces dernières ne sont pas observées dans la pratique par les sociologues ! Ne jamais isoler théorie de l’identité et théorie de l’activité quand on étudie les comportements en ligne.
Des identités multiples se manifestent sur le Web => il faut faire une typologie des plateformes relationnelles du Web 2.0
On est toujours dans l’idée que, dans le virtuel, on est “dans le faux”. Ce genre de questionnement est très contemporain. On ne cesse de questionner l’authenticité de nos productions numériques.Il y a des signaux identitaires que l’on met sur les réseaux. Ils peuvent être réels, mais pas réalistes : on produit des fictions de soi. Processus de simulation.
Première étape : Prendre une série de plateformes relationnelles et voir quels traits identitaires sont demandés :
L’identité civile : photo, sexe, diplôme, etc.
L’identité narrative : introspection, caractérisation intime du soi.
Deux autres espaces de l’identité sont présents et ont à voir avec l’idée de ce que le soi produit dans le monde :
Ces identités peuvent être très réalistes ou bien beaucoup plus fictionnelles.
Deuxième étape : Projeter les plateformes du web 2.0 en fonction de la question de la visibilité. Qu’est-ce que je montre et à qui ?
Le paravent : Ex. les sites de rencontre. Les personnes y existent d’abord sous forme de catégories. Un des paradigmes dans l’analyse des sites de rencontre : le mensonge. L’identité produite est en fait aussi une projection de soi du point de vue de l’expérience de la personne. Elle s’accompagne d’un projet de transformation de soi. Ex. : Je ne mens pas quand j’annonce que je pèse 5 kilos de moins, j’aurai ce poids là quand je le rencontrerai l’homme avec qui je suis entrée en relation sur Meetic.
Un autre espace : les sites en clair obscur : on montre beaucoup mais on reste caché des autres. Ex. : Skyblog, Facebook. Cf. Les adolescents qui lorsqu’ils s’expriment sur leurs blogs ont l’impression de ne s’adresser qu’à leurs amis, et pas du tout à l’espace public.
Autre paradigme : le phare. Ex. : Flickr, Myspace : on cherche à avoir une très grande visibilité et à être vu par beaucoup de personnes. Il faut de l’audience. (Attention ! Ce n’est pas vrai sur Facebook). Ce paradigme est lié aux productions culturelles, aux goûts. Il s’agit de produire son identité en dépliant son univers culturel.
Autre paradigme : la lanterna magica. Utilisation d’avatars qu’on personnalise pour évoluer dans un monde virtuel. Dominique Cardon précise que ces formes d’identités sont encore plutôt découplées des vies réelles de ceux qui les endossent. Ex. : World of Warcraft, Second Life
Retour sur Sociogeek :
Thèmes : les formes de présentation de soi en ligne, l’impudeur, les formes d’exhibition.
15 000 réponses à l’enquête. Très grande cohérence des résultats statistiques (toujours en cours de traitement).4 formes d’exposition ont été identifiées.
Les formes ritualisées, conventionnelles, quasi institutionnelles de l’exposition de soi.
L’impudeur corporelle
De façon très distincte de l’impudeur corporelle (Dominique Cardon insiste là-dessus), il y a l’exhib : théâtralisation de soi, très peu liée au corps, à la nudité. Par contre, on y trouve des aspects qui ne sont pas retenus dans la vie de tous les jours : être très souriant ou très triste, être hyper-expressif, être en train de faire la fête avec les autres. Cela fonctionne comme des formes de singularisation de soi. NB : Les photos de pleurs sont moins bien notées dans l’enquête que celles d’enfants nus !!!
Le trash : le corps en péril, en risque. Provoquer le regard de l’autre.
Toujours lier la problématique de l’identité à celle des pratiques culturelles.
Avec le Web 2.0, il n’y a pas invention mais amplification de la diversification des facettes de soi que l’on présente.
Sur la question des identités multiples, Dominique Cardon fait notamment référence à Norbert Elias. On ne peut être multiple que dans un univers dans lequel on a des outils de réflexivité suffisamment développés pour être constamment un. Ce n’est pas du tout le cas de l’individu qui éclate. On peut jouer avec les frontières de l’image de soi, faire se frotter des univers sociaux que l’on n’avait pas l’habitude de faire se frotter. Il faut aller vers l’étude du contrôle du dé-contrôle.